Avant-propos : cet article a été réalisé dans le cadre du Challenge Data #6, une semaine de défi autour de la donnée, organisée par Datactivist pour les 4e années de Sciences Po St Germain en Laye en décembre 2023. Celui-ci a été réalisé en 5 jours (ce qui peut expliquer, dans certains cas, le manque de réponse de la part de certains acteurs mentionnés dans l’article). Pour en savoir plus sur la méthodologie mise à disposition des étudiants, vous pouvez y accéder via ce lien.
Vue du futur nouveau collège du centre-ville de Nantes — © Cobalt Architectes
En mai 2023, Pap Ndiaye annonce un nouveau plan visant à réformer la carte scolaire pour faire de la mixité sociale au sein des établissements scolaires une priorité. La carte scolaire est un système, en vigueur depuis 1963, qui fait du lieu de résidence de l’élève le principal déterminant de son affectation dans un établissement scolaire, sauf dérogation dans certains cas particuliers. C’est ainsi un levier important pour tenter de réduire les inégalités et la reproduction sociale au sein des collèges.
La ville de Nantes a alors pris des mesures pour encourager la mixité sociale. Dès la rentrée 2024, le collège Rosa-Parks, classé REP +, situé dans le quartier du Breil, ainsi que les collèges de centre-ville Guist’hau et Jules Verne devraient fermer. Leurs élèves devraient être répartis dans les collèges de la Durantière, Gaston Serpette, Victor Hugo, et dans un collège du Centre, encore en construction en remplacement de l’ancien lycée Vial. C’est une réorganisation structurelle d’ampleur qui concerne l’Ouest et le Centre de Nantes.
Cette reconfiguration scolaire a suscité des critiques. Celle-ci, réalisée sans concertation fait craindre au personnel d’établissement et aux familles, un rallongement des temps de trajet, des changements d’établissement en pleine scolarité et des divisions de fratries. Le Conseil Départemental persiste à présenter ces changements comme indispensables à la mixité sociale. Mais ces institutions sont-elles réellement en manque de mixité ? Le processus de reconfiguration en cours est-il une solution adaptée ? Au travers la mise en relation et l’analyse des différentes bases de données disponibles en open data, nous chercherons à faire un état des lieux de la mixité sociale dans les collèges nantais et à mesurer l’intérêt et l’efficacité d’un tel dispositif.
Comme bon nombre de villes françaises, Nantes présente d’importantes disparités sociales entre ses différents collèges. Ces inégalités sont particulièrement visibles entre les collèges du centre-ville (Saint-Joseph de Loquidy, Chavagnes, Gabriel Guist’Hau…) qui concentrent les enfants de cadres et ceux situés au Nord ou à l’Ouest de la ville (Claude Debussy, Saint Martin, Rosa Parks…). Le graphique sur la part des enfants de cadres parmi les élèves de 6ème en 2017 l’illustre, les collèges du centre-ville publics et privés rassemblent une majorité d’enfants de cadres, quand les collèges du Nord et à l’Ouest en rassemblent peu, voire pas du tout dans le cas de Rosa Parks. Les inégalités sociales au sein des collèges semblent donc moins dépendantes du caractère privé ou public des établissements que de leurs localisations territoriales. Cette relative proximité entre enseignement public et privé est spécifique de la ville de Nantes et n’est pas valable dans d’autres villes, cela est dû à l’importance quantitative de l’enseignement privé (quasiment la moitié des collèges à Nantes).
(part des enfants de cadres parmi les élèves de 6ème en 2017 par établissements privés et publics)
Sources des données: Comprendre les dessous de la carte scolaire (2/2) - de la ségrégation résidentielle aux contournements des collèges publics.
L’analyse des données, et notamment de l’IPS, un indicateur qui permet de déterminer le statut social des élèves, a également permis de mettre en avant l’existence de gros écarts, perceptibles là encore aussi bien dans le public que dans le privé. Le graphique ci-dessous permet ainsi d’observer qu’au niveau nantais, comme départemental, et de manière systématique, les mêmes collèges, et notamment Chavagnes, accueillent les élèves à l’IPS le plus élevé. De la même manière, d’autres collèges comme Rosa Parks accueille chaque année les élèves avec l’IPS le plus faible. Les inégalités sociales en fonction des collèges n’évoluent donc pas ou peu, l’IPS de Chavagnes avoisinant chaque année 149 contre 144 pour le collège Guist’hau. À l’inverse, et comme le laissaient présager les données, l’IPS du collège Rosa Parks stagne autour de 65.